Personne n’a vu arriver Yannick, un film-brûlot signé du réalisateur-musicien hyperactif Quentin Dupieux (Incroyable mais vrai, Fumer fait tousser – tous deux sortis en 2022), et dont la durée – à peine plus d’une heure – n’est pas l’unique singularité. Comédie puissamment grinçante, entièrement circoncise dans le huis clos d’un théâtre de boulevard, Yannick sidère avant que d’amuser puis d’inquiéter. Dégainant son phrasé si particulier, le comédien Raphaël Quenard (Chien de la casse, Cash) incarne magnifiquement la colère froide de ce spectateur hypersensible qui va jouer les empêcheurs de « jouer » en rond. En dénonçant la prise d’otages que la médiocrité des comédiens professionnels à l’œuvre exerce sur les spectateurs du théâtre, il devient lui-même l’instigateur d’une terreur en réaction. Pas mal jouissive, la métaphore impressionne de justesse tant elle témoigne des jeux de dupes à l’œuvre dans nos sociétés du spectacle, soucieuses de masquer les rapports de classe et dans lesquelles l’ironie des puissants voile mal leur médiocrité, mais aussi leur mépris et leur manque de sincérité. La comédie de Dupieux est une fable qui appuie là où ça fait mal. Auréolé de la musique de Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou (une artiste éthiopienne dont l’authenticité force le respect), le film s’avère épris d’absolu tout en assumant une grande lucidité. C’est pour cela que Yannick inquiète, certes, mais questionne aussi – et bouleverse. ⎥ Nicolas Milesi
YANNICK
Réalisateur(s) : Quentin Dupieux
Acteur(s) : Raphaël Quenard, Blanche Gardin, Pio Marmaï
Genre(s) : Comédie
Origine : France
Durée : 1h5
Synopsis : En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main...