Toni Erdmann est le film qui a cueilli les spectateurs du Festival de Cannes. A l’instar de La Grande Bellezza ou encore de Timbuktu, son absence au palmarès ne l’a pas empêchée d’être le véritable chouchou de cette 69° édition. Maren Ade : une nouvelle cinéaste allemande est née, et nous en profitons au passage pour diffuser Everyone Else, son film précédent, his- toire de démultiplier ce plaisir de la découverte d’un auteur. Maren Ade a su laisser infuser et transpirer les égarements et les travers de notre époque. A travers cet inimitable duo infernal avec cette femme d’affaires bcbg sans scrupules et son inénarrable père facétieux, la réalisa- trice fait de la résistance. Une résistance à une Europe où les pays de l’Ouest font la peau de ceux de l’Est, avec un cynisme et un mépris qu’elle sait exprimer avec férocité et précision en un plan et deux répliques. La résistance à un mode de vie qui sacrifierait les liens de famille, les petits bonheurs du quotidien sur l’autel de la rentabilité et de la performance. La résistance à la victoire du superficiel et de la prédation sur toute forme d’humanisme. Quelle est l’arme secrète de Maren Ade ? En fait, elle en dispose de deux bien solides. D’abord, sa lucidité qui fait merveille. Et ensuite son humour. Un humour ravageur comme celui de son personnage, un humour lancinant (on appelle cela le comique de répétition), toujours « border line ». Toni Erdmann, le personnage, joue sans arrêt à mettre les personnes qu’ils rencontrent (et parti- culièrement sa propre fille) dans l’embarras. Car il ne respecte surtout pas les convenances, il en joue, il les retourne, il souligne avec malice l’inanité des normes, leurs hypocrisies. Et au fond, il ne cherche qu’une chose. Toucher sa fille, la retrouver. Elle lui semble perdue. Et l’autre beau sujet du film est évidemment le conflit (ou le fossé) de génération. Le père et sa fille n’appartiennent pas ou plus à la même époque. Et pourtant quelque chose, au fond, les relie encore. C’est la recherche et la réanimation de ce quelque chose qui fait tout le prix de ce film. Un film qui dure 2h42. Toni Erdmann a ses propres pulsations, son rythme, il faut prendre ce temps pour apprécier avec bonheur les éclats surprenants de la dernière partie. Au moment du générique, alors, l’énigmatique et séduisante affiche que nous avons choisie pour couverture de cette minigazette prendra tout son sens. ⎥ FRANÇOIS AYMÉ
TONI ERDMANN
Réalisateur(s) : Maren Ade
Acteur(s) : Peter Simonischek, Sandra Hüller, Michael Wittenborn
Genre(s) : Comédie dramatique
Origine : Allemagne
Durée : 2h42
Synopsis : Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l'aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…