TÁR

TÁR

TÁR

Réalisateur(s) : Todd Field
Acteur(s) : Cate Blanchett, Noémie Merlant, Nina Hoss
Genre(s) : Drame, Biopic, Musical
Origine : USA
Durée : 2h38
Synopsis : Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto très attendu de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société.

Au sortir de Tár, vous vous demanderez si Lydia Tár existe. C’est dire le trouble que provoque la mise en scène de Todd Field (Little Children, 2006) adossée à l’interprétation stupéfiante de Cate Blanchett, d’une virtuosité fort justement récompensée à la Mostra de Venise. Et puis, en contrebande, la maestria de la comédienne Blanchett sert à merveille ce personnage de Lydia qu’elle incarne, à savoir une artiste au génie reconnu et qui a remporté les récompenses majeures de la profession : l’Emmy, le Grammy, l’Oscar et le Tony – la plaçant dans le cercle très restreint des EGOTs. Une pareille perfection dans la performance, soulignée lors de la scène d’interview qui ouvre Tár, pourrait parfaitement concerner Cate Blanchett elle-même. Ce double sens installe le film dans la sensation durable du faux-semblant qui sied parfaitement à son sujet : la duplicité des rapports de pouvoir. Si Tár s’intéresse au processus de fabrication de la musique classique au sein du très canonique orchestre symphonique de Berlin, c’est parce que c’est le lieu par excellence où les mécanismes de pouvoir sont à l’œuvre d’une manière très concrète. L’orchestre est un corps démocratique fait de musiciens qui élisent leur chef – désormais une femme, Lydia Tár – tandis que cette dernière fait preuve (comme avant elle Wilhelm Furtwangler ou Herbert von Karajan) d’une autocratie plus ou moins matoise. La cheffe d’orchestre est énigmatique et fascine, tant ses rapports humains intéressés le sont tous azimuts : que ce soit avec sa compagne Sharon (Nina Hoss), dont le contre-pouvoir, en sa qualité de premier violon de l’orchestre, est neutralisé, ou avec son assistante dévouée Francesca (Noémie Merlant), pas dupe mais qui rêve d’une carrière similaire. Ouvragé dans un tempo très particulier – le même qui obnubile tout chef d’orchestre – Tár se contracte et s’étire sans prévenir, dans un décorum à la froideur persistante, quel qu’en soi le style. Une froideur en phase avec l’intransigeance artistique de Lydia, pour qui la chaleur des sentiments semble d’une coupable médiocrité. Le film est imprégné de cette vision du monde et marie parfaitement la beauté de la grande musique aux vénéneuses transactions dont elle est issue. Pour cette raison, Tár est captivant et laisse songeur. ⎥ Nicolas Milesi

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