On se souvient du livre d’investigation de Florence Aubenas. Pendant de longues semaines, elle n’avait pas hésité à se transformer en femme de ménage corvéable à merci sur les ferrys du quai de Ouistreham. Une enquête vécue pour témoigner au plus près de ce quotidien aussi harassant que déconsidéré et mal payé. Ce livre brut avait impressionné, fait monter une prise de conscience sur le prolétariat du XXIe siècle qu’on désigne aujourd’hui les « premiers de corvée ».
L’écrivain-cinéaste Émmanuel Carrère a décidé de porter librement ce livre documentaire à l’écran en lui insufflant une partie fictionnée et en choisissant pour le rôle-titre de Florence Aubenas, l’actrice Juliette Binoche. Un beau pari réussi. En effet, le cinéma français l’a prouvé à plusieurs reprises ces dernières années (La Loi du marché, Louise Wimmer, Les Invisibles, Les Misérables, Debout les femmes !) : il est capable de nous émouvoir, de nous toucher avec de beaux personnages et des histoires fortes et en même temps de rendre compte, de témoigner d’une réalité sociale difficile, ignorée, occultée. On peut faire la moue et se dire qu’aujourd’hui on a besoin de s’échapper d’un quotidien pas très rose. Mais il suffit de se rappeler les chefs d’œuvre de Chaplin ou de Ken Loach pour bien avoir conscience que le cinéma est aussi l’art de rendre hommage aux plus humbles et qu’ils peuvent aussi prétendre au statut de héros. En l’occurrence des héroïnes aux armes magnifiques : l’amitié et la solidarité. ⎥ François Aymé
OUISTREHAM
Réalisateur(s) : Emmanuel Carrère
Acteur(s) : Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne
Genre(s) : Drame
Origine : France
Durée : 1h47
Synopsis : Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.