MADEMOISELLE

Avec Mademoiselle le réalisateur Park Chan-Wook deviendrait-il vieux garçon ? Finis les travellings à coups de marteau d’Old Boy? Finies les histoires de vampires de Thirst ? Le cinéaste semble à première vue assagi avec cette romance entre une jeune noble et sa servante sur fond de tensions sino-coréennes. Mais ne vous en faites pas, le génie coréen n’a rien perdu de son talent. On retrouve dans Mademoiselle les thèmes qui lui tiennent à cœur, et en premier lieu : la vengeance, sujet fétiche auquel Park Chan-Wook a consacré une trilogie officieuse (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance). Il faut bien dire que le contexte du film est propice aux tensions : au cœur des années 30, la Corée est colonisée par le Japon. Une jeune femme se retrouve engagée au service d’une riche japonaise, mais oncle autoritaire et escroc usurpateur vont venir se greffer à cette liaison dangereuse, sensuelle et charnelle. Car il est bien question de passion dans ce film qui donne aux corps et aux regards toute la place qu’ils méritent. Pour cela, Park Chan- Wook n’hésite pas à utiliser des moyens de mise en scène emprunts d’un certain lyrisme. Cette reconstitution historique s’offre une partition musicale magnifique qui s’accorde parfaitement à l’image léchée (pour laquelle il a d’ailleurs choisi un objectif anamorphique épatant). Tous ces procédés ne semblent à aucun moment déplacés mais viennent plutôt offrir un écrin de choix au duo d’actrices. Park Chan-Wook lui-même souligne le caractère central de ces personnages et de la relation en clair-obscur qu’elles entretiennent. Pour lui Mademoiselle c’est « un thriller, une histoire d’arnaqueurs, un drame ponctué de rebondissements surprenants et plus que tout, une histoire d’amour ». Et pour nous, c’est tout simplement l’un des plus beaux films de cette fin d’année. ⎥Victor Courgeon