LES MISÉRABLES

Après un court-métrage du même nom, voilà Ladj Ly, réalisateur de ce premier film furieusement réussi, propulsé dans la course aux Oscar. Les Misérables, c’est le coup de canon dans le cinéma français qui a fait trembler le dernier Festival de Cannes, décrochant au passage le Prix du Jury. Comme Stéphane, qui intègre tout juste une unité de la BAC dans le 93, plongez au cœur d’un quartier sous tension. C’est terrifiant d’efficacité et de réalisme, et nous prend à la gorge tout du long, comme rouler phares éteints un tunnel noir dont on ne verrait pas l’issue. On pense à La Haine, mâtiné à la cruauté de Los Olvidados avec un gamin qui ressemble trait pour trait au fils de Mamma Roma.
Lors de l’avant-première organisé à Pessac, nous diffusions en première-partie son court-métrage 365 jours à Clichy-Montfermeil, film-document sur les émeutes de 2005. On comprend rapidement que Ladj Ly est sorti tôt caméra au poing, prêt à capter la tension qui régnait autour de chez lui. Mais 14 ans plus tard, son film adopte un autre point de vue que celui de la foule. Habile, et à l’aise dans l’univers fictionnel, il se glisse au sein d’une unité de police pour en saisir la souffrance et témoigner fidèlement des difficultés vécues au quotidien. Son titre, il l’emprunte à Victor Hugo qui écrivait dans le roman éponyme : « En 1823, il y avait à Montfermeil ni tant de maisons blanches, ni tant de bourgeois satisfaits. Ce n’était qu’un village dans les bois. » Chez Ladj Ly, on a beau se trouver aux Bosquets, quartier de Montfermeil, il n’y a ni demeures, ni bourgeois. Et pour les exactions policières, ni oubli, ni pardon. Ce n’est pas un hasard si c’est là-bas que Jean Valjean et Cosette se rencontrent pour la première fois. Aujourd’hui, au même endroit à l’écran : de nouvelles barricades. ⎥ Victor Courgeon