Emprisonné à plusieurs reprises (en 2010 et en 2022) par le régime des Mollahs iraniens, Mohammad Rasoulof est aujourd’hui un cinéaste en exil condamné à huit années d’incarcération dans son pays. De sa triste proximité avec les gardiens de la révolution, le réalisateur a fort intelligemment tiré le point de départ de son nouveau film, à savoir comment l’endoctrinement des serviteurs du régime se répercute dans leur propre intimité. Le résultat est un film magistral, d’une puissance émotive, morale et politique ahurissante.
Tourné dans la clandestinité, Les Graines du figuier sauvage a demandé des trésors de précautions : « Il n’est pas simple de rassembler des personnes prêtes à endosser les risques d’un tel projet. […] La peur d’être identifié et arrêté jette une ombre sur tout. » expliqua Rasoulof. La suspicion et la paranoïa semblent avoir contaminé un scénario déjà diabolique, jalonné de séquences à l’intensité grandissante. Si Un homme intègre (sélectionné à Cannes en 2017) pouvait s’apparenter à un western perse, Les Graines… s’apparente à un portrait de famille qui virerait au thriller angoissant, tandis que le juge Iman perçoit le désaccord grandissant de ses propres filles vis à vis de lui. Contemporain du massif mouvement de protestation Femme, Vie, Liberté, violemment réprimé (dont le récit expose les véritables images des manifestations prises au téléphone portable), le scénario illustre l’écho d’un trouble social tellurique qu’aucune geôle ne saurait asphyxier (et dont l’existence de ce film elle-même constitue également une marque). Avec un génie certain des décors et du montage, Rasoulof insuffle dans les séquence finales une puissance métaphorique galvanisante. Par les seuls moyens du cinéma, Les Graines du figuier sauvage devient l’ode à une jeunesse résiliente et frontalement à l’œuvre pour provoquer l’inéluctable effondrement de ceux qui la briment. Un tel message d’espoir est universel. – Nicolas Miles publics sourds et malentendants.
