En 1965, Marco Bellocchio entrait avec Les Poings dans les poches par la grande porte de la maison cinéma, n’hésitant pas à bousculer les consciences et les règles établies. Depuis, il n’a jamais cessé de visiter des terrains engagés voire polémiques, s’attaquant aux injustices et aux abus de la politique et de l’Histoire. Avec son dernier film, qui a frappé les esprits et bouleversé les festivaliers à Cannes, le maître italien s’en prend aux dogmes religieux qui peuvent conduire aux pires oppressions. Un an après sa série Esterno Notte, sur l’enlèvement et l’assassinat en 1978 de l’ex-chef du gouvernement italien Aldo Moro, le cinéaste s’empare d’un autre rapt qui a secoué l’Italie du 19e siècle : celui d’un enfant né dans une famille de confession juive, enlevé par l’Église sur ordre du Pape pour être christianisé. À près de 60 ans de carrière, Bellocchio n’a rien perdu de son énergie combative, osant une peinture sans concession des instances du Vatican et un portrait grinçant du Pape. Le maestro offre à nouveau la preuve de son immense maîtrise des armes cinématographiques, dont témoignait déjà Le Traître aussi montré à Cannes. Sa mise en scène, magistrale, traduit toute l’empathie que le cinéaste porte à ses personnages, et transmet des émotions d’une force sans égale. Des émotions qu’expriment aussi superbement les acteurs du film, à l’image de l’actrice interprétant la mère de l’enfant ou du tout jeune comédien lui-même, magnifique. C’est en éclairant l’Histoire par le prisme de l’intime, en traduisant l’expérience douloureuse saisie à l’échelle individuelle, que le cinéma de Marco Bellocchio émeut, indigne et emporte. Une fresque prodigieuse et poignante. ⎥ Audrey Pailhès
L’ENLÈVEMENT
Réalisateur(s) : Marco Bellocchio
Acteur(s) : Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese
Genre(s) : Drame
Origine : Italie, France, Allemagne
Durée : 2h15
Synopsis : En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…