Cela débute par une pantalonnade. Cinéphile atypique en lutte contre la « dictature du cinéma d’auteur », Bruno est un producteur de série Z qui s’en est toujours sorti. Aujourd’hui, plus rien ne va. Son bras droit a démissionné. Et sa femme veut le quitter. Bruno, c’est l’Italie d’aujourd’hui, sa caricature. Un Latin charmeur et baratineur, brutalement mis hors jeu. A l’image d’un pays d’opérette en plein marasme. L’important, au fond, n’est pas tant Berlusconi que ce fameux « peuple » sur lequel le Cavaliere ne cesse de s’appuyer pour légitimer ses manoeuvres. Moretti semble le prendre au mot : « Tenez, j’ai déniché un spécimen populaire, voyons comment il va se comporter… » Le Caïman crève l’abcès, se voulant un rappel à la réaction, à la raison, à l’engagement.
Commencé dans la farce grossière, le film se ramifie, passe par des registres différents, y compris celui d’une tragédie aux accents shakespeariens, dévoilant soudain une forme perverse de fascisme démocratique. C’est le moment où l’acteur Moretti refait surface, en incarnant un Berlusconi dangereusement séduisant. Risque suprême et suprême loyauté que celle de se mettre dans la peau de son adversaire. C’est aussi qu’il y a toujours eu deux hommes en Moretti : l’un intransigeant, obsessionnel, l’autre plus léger, aérien, aiguillé par l’enfance. Le Caïman ne cache rien de cette ambivalence. — Jacques Morice
Le Caïman
Réalisateur(s) : Nanni Moretti
Acteur(s) : Silvio Orlando, Margherita Buy, Daniele Rampello…
Genre(s) : Comédie politique
Origine : Italie
Durée : 1h52
Synopsis : Bruno Bonomo, réaliateur de films de série Z endetté, croise le chemin d’une jeune cinéaste qui lui apporte le scénario d’un nouveau film, « Le Caïman ». Il s’aperçoit vite qu’il s’agit en réalité d’une biographie de Berlusconi, entreprise périlleuse dans une Italie qui s’autocensure.