Décidément, Michel Hazanavicius va toujours là où on ne l’attend pas. Après avoir excellé dans les parodies (La Classe américaine, OSS 117), décroché une pluie d’oscars pour le film-hommage The Artist, mélangé la parodie et l’hommage (à Jean-Luc Godard) dans Le Redoutable, fait des tours et détours par le film de guerre (The Search), le film d’aventures fantastiques (Le Prince oublié) et le film d’épouvante fauché (l’excellent Coupez !), il nous revient avec… un film d’animation, et en prime une sélection en compétition au Festival de Cannes (ce qui est rare pour un film d’animation). Il adapte le conte éponyme de Jean-Claude Grumberg, déjà transposé au théâtre et étudié dans le cadre scolaire. Le récit propose une lecture à deux niveaux. Le premier suit les codes du conte traditionnel (avec une forêt perdue, un enfant trouvé, une femme en mal d’enfant et un bûcheron bougon) ; il est tout à fait accessible aux publics les plus jeunes. Le second fait évidemment référence aux nombreux récits de déportation de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans tous les cas, il s’agit d’une fable remplie d’espérance sur la capacité des femmes et des hommes à trouver des trésors d’ingéniosité pour sauver « une petite marchandise » et ainsi faire montre de générosité et de compassion.
Ainsi le film peut-il être vu en famille. Un conte humaniste en somme, à la morale attendue. Oui bien sûr, mais avec, à l’image, une animation toute en pastels, un univers graphique original qui relève plus des codes de l’illustration (pour les contes et les albums jeunesse) que de ceux traditionnels de l’animation dite jeune public et/ou grand public. On se laisse envoûter par cette histoire de bûcherons et de forêts profondes, on se laisse guider par la voix chuchotée du narrateur (quel plaisir d’entendre une dernière fois Jean-Louis Trintignant) et puis porter par cette histoire aux accents tragiques mais, in fine, remplie d’espoir. – François Aymé