INCROYABLE MAIS VRAI

Après le pneu serial-killer de Rubber (2010) ou la mouche géante de Mandibules (2020), (et avant la pochade Fumer fait tousser, soutenue au dernier festival de Cannes par son casting des plus grandes vedettes du cinéma français), à quoi le prolifique Quentin Dupieux nous confronte-t-il dans ce nouveau film au synopsis sibyllin ? Sans trop en dire pour préserver le plaisir de la (bonne) surprise, disons qu’une fois encore le contexte est étrange et les personnages qui y sont plongés ont des préoccupations assez rationnelles. Tout le surréalisme survient de ce hiatus d’autant plus efficace que l’histoire racontée est linéaire en apparence, facile à suivre… jusqu’au vertige. Pour incarner ce conte moral sur le temps qui passe et sur l’usure du couple, Dupieux convoque des comédiens dont le plaisir à jouer est communicatif (Anaïs Demoustier en blonde volcanique semblant sortir des années 80 est stupéfiante). Par exemple, dans Incroyable mais vrai, la scène de dîner entre voisins la plus naturaliste qui soit prend soudain des allures d’une absurdité folle grâce à un décalage qui change tout. Un détail dans la conversation dont on ne dévoilera rien ici… Autour d’Alain Chabat, dont on a tendance à penser qu’il est à l’écran l’alter ego du réalisateur, Léa Drucker et Benoît Magimel exécutent leur partition avec leur impeccable talent, sans ironie aucune, ce qui décuple le sentiment d’absurdité hilarante qui se dégage de l’ensemble. Plastiquement, le film use et abuse d’un certain génie des décors, comme seule l’écriture cinématographique le permet. Pour le spectateur, l’immersion est grandissante et évocatrice. Alice au Pays des Merveilles, Dorian Gray, Luis Buñuel… Cette aventure cinématographique très inhabituelle vaut grandement le détour à force de surprendre. Et de suggérer des questionnements pas si anodins. » ⎥ Nicolas Milesi