Carol semble trouver une identité très à lui, très singulière, prise dans un paradoxe entre extrême sensualité et chasteté absolue. Car si Carol est bien le film d’une rencontre amoureuse, il n’est en aucun cas celui de la rencontre de deux corps (la scène de sexe peut même sembler de trop). Non, ici, tout ce qui importe est une sorte d’identification mutuelle de deux êtres qui se vivent comme liés, comme équivalents, comme se reflétant l’un l’autre et qui, pris dans la réfraction d’un étrange miroir inverse (brune et blonde, bourgeoise et ouvrière, initiée et ingénue), n’ont plus qu’à percer le mystère de leur gémellité, ne pouvant plus se quitter – ou plus exactement se quitter du regard, sans même forcément se toucher. (…) Carol est (…) surtout [le film] d’une communion, en un sens tout à fait spirituel, où le « coup de foudre » est véritablement pensé comme une apparition de l’ange, et la naissance de l’amour comme le début d’une trajectoire mystique et ascensionnelle. « Tu es tombée du ciel », se répètent les deux héroïnes, sans oublier que l’une porte le nom de religieuse, et l’autre celui du mot anglais pour chant de Noël. Indices superflus quand nous nous trouvons déjà sous l’emprise du mouvement installé par la mise en scène de Haynes : mouvement circulaire, hypnotique, appliquant peu à peu une sorte de vertige, de rotation étourdissante des regards qui détache lentement les deux personnages du monde qui les entoure et les fait passer (comme c’était déjà, en un sens le cas de cette autre Carol dans Safe, il y a vingt ans) avec une suprême élégance du matériel à l’immatériel. ⎥ LES INROCKUPTIBLES
Carol
Réalisateur(s) : Todd Haynes
Acteur(s) : Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler
Genre(s) : Drame
Origine : USA, Grande-Bretagne
Durée : 1h58
Synopsis : Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d'un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.