À la veille du palmarès de Cannes, les « gens du cinéma » s’attendaient à retrouver tout en haut de la liste Les Graines du figuier sauvage ou Emilia Pérez. Ce fut, à la surprise générale, Anora. Un choix inattendu mais qui récompense bien une œuvre qui carbure à l’énergie, avec un scénario original, monté sur ressorts, tendu (l’histoire mouvementée est concentrée sur quelques jours) et des personnages bien en chair, affranchis de tous les attendus dramatiques classiques. Au moment de recevoir la Palme d’or, le cinéaste Sean Baker dédicaça sa récompense suprême à « toutes les travailleuses du sexe passées, actuelles et à venir ». Un geste rare, à l’image de l’esprit de son film. Avec le cinéaste américain, révélé par Tangerine et The Florida Project, les marginaux ont bien les premiers rôles. Anora est une superbe héroïne des temps modernes, énergique, têtue, battante, courageuse, prête à toute pour saisir sa chance. Le film Anora est aux Antipodes de Pretty Woman. Ce n’est pas un conte de fées et rien n’est édulcoré (il faut d’ailleurs en passer par une première demi-heure un peu trop insistante à notre goût). En revanche, on a affaire à des beaux personnages hors normes qui s’engouffrent dans des impasses, y compris du côté des hommes de main de l’oligarque russe (c’est la dimension très humoristique du film). S’il fallait trouver une filiation cinématographique à Anora, ce serait plutôt du côté de Federico Fellini et des Nuits de Cabiria qu’il faudrait la trouver. Car Mikey Adison a cette vigueur populaire qui la rend si sympathique, vigueur totalement décuplée quand il s’agit de s’accrocher, coûte que coûte, à son droit de rêver d’une autre vie, même si cette autre vie est, ici, un mirage fomenté par un gamin richissime aussi pourri que pouvait l’être le personnage de François Périer dévorant avec cruauté le personnage de Giulietta Masina. Derrière cette confrontation hyper-nerveuse entre deux mondes opposés, le cinéaste nous offre un conte plus moral qu’il n’y paraît, projetant avec compassion les blessures profondes des jeunes victimes de ceux qui brisent les rêves, comme l’on casse des jouets. – François Aymé
Anora
Réalisateur(s) : Sean Baker
Acteur(s) : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov, Karren Karagulian, Vache Tovmasyan
Genre(s) : comédie dramatique
Origine : U.S.A.
Durée : 2h19
interdit -12 ans
Synopsis : Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu'elle rencontre le fils d'un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage...