C’est la Palme d’or qui a mis tout le monde d’accord, créant même avant son attribution méritée une rare unanimité des pronostics. Ce prix est le juste aboutissement d’une belle histoire que sa réalisatrice, Justine Triet, vit avec le festival de Cannes depuis ses débuts (elle a présenté La Bataille de Solferino à l’ACID, Victoria à la Semaine de la Critique, puis Sybil en Compétition Officielle). Anatomie d’une chute s’apprête donc à impressionner le public après les professionnels l’ayant découvert en mai. Si l’on retrouve dans ce quatrième long métrage de la cinéaste son goût pour la complexité et la nuance, et sa capacité à mêler les genres et les registres, l’immense maîtrise dont le film témoigne sur tous les plans et son efficacité tranchante – clinique, comme le suggère son titre – démontre la maturité artistique atteinte par son auteure. Co-scénarisé avec Arthur Harari (réalisateur d’Onoda), Anatomie d’une chute est d’abord un film à l’écriture diaboliquement intelligente, qui se réapproprie le squelette narratif du film d’enquête et du film de procès pour servir une multiplicité d’enjeux : les vertiges et la désagrégation du couple, les déséquilibres et les violences de la conjugalité, la dissolution individuelle et ses renoncements : autant de sujets soulevés au fil d’une affaire qui décortique aussi les mécanismes de la justice et questionne les notions de fait et de vérité. Adoptant un point de vue extérieur, Justine Triet place le spectateur dans la même position que les protagonistes chargés de reconstruire les événements, de démêler le brouillard judiciaire cachant une vérité intime qui ne se dévoile pas. La finesse scénaristique se double de brillantes idées de mise en scène d’une ingéniosité redoutable. Mais l’effet de maîtrise et la force de frappe émotionnelle du récit viennent d’abord de son incarnation par des comédiens éblouissants, à commencer par Sandra Hüller, pressentie pour un prix d’interprétation qui n’aurait pas été beaucoup plus contestable que la Palme d’or. Elle ne fait néanmoins aucune ombre au tout jeune et impérial comédien à ses côtés, véritable révélation de ce film. À la hauteur de ses ambitions, Anatomie d’une chute se prépare à compter parmi les films importants de l’année et les grands films tout court. ⎥ Audrey Pailhès
ANATOMIE D’UNE CHUTE
Réalisateur(s) : Justine Triet
Acteur(s) : Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner
Genre(s) : Palme d'Or
Origine : France
Durée : 2h30
Synopsis : Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.