Que le cinéma est beau quand il s’exprime avec une pareille envergure ! L’auteur talentueux des Invisibles (César ô combien mérité en 2013) et de sa magnifique apostille Les Vies de Thérèse (2017) fait son retour avec un film en dehors des normes mais sans aucune forfanterie stylistique. Sur le ton de la chronique, Sébastien Lifshitz a suivi Emma et Anaïs dans leur ville de Brive, depuis leurs 13 ans jusqu’à leur majorité, avec les aléas d’une amitié à l’épreuve du temps. Égrainé sur cinq années, le tournage a livré 500 heures de rushes ; Adolescentes est le fruit d’une prouesse qui n’a nullement corrodé la délicatesse de la démarche voulue par le cinéaste, à savoir « parvenir à un concentré, un parfum, qui restitue l’essence de leur vie adolescente ». Le film fascine d’abord par la propension du cinéaste à se faire oublier des protagonistes, tandis que sa caméra restitue un réel d’une intimité confondante – jamais embarrassante. Et puis Adolescentes est un film qui se hisse au-
dessus des traditionnelles dichotomies fiction / documentaire ; à la fois récit découpé et bienveillant des drames personnels des « demoiselles de Brive », il est aussi le témoignage des déterminismes sociaux à l’œuvre dans leur quotidien perméable aux bruits du monde. Lentement, en sourdine, le passage du temps charge le film d’une émotion grandissante, presque illustrée par la prof de philo d’Emma, citant Descartes : « Parce que nous avons été des enfants avant que d’être des hommes, nous avons cru avant que de savoir. » Adolescentes est du cinéma magnifique. ⎥ Nicolas Milesi
ADOLESCENTES
Réalisateur(s) : Sébastien Lifshitz
Acteur(s) : Sans acteur connus
Genre(s) : Documentaire
Origine : France
Durée : 2h15
Synopsis : Emma et Anaïs sont inséparables et pourtant, tout les oppose. Adolescentes suit leur parcours depuis leur 13 ans jusqu’à leur majorité, cinq ans de vie où se bousculent les transformations et les premières fois. A leur 18 ans, on se demande alors quelles femmes sont-elles devenues et où en est leur amitié. A travers cette chronique de la jeunesse, le film dresse aussi le portrait de la France de ces cinq dernières années.