DOUBLES VIES
de Olivier Assayas
GENRE : DRAME
France · 2018 · 1h48 · VF
Avec : Guillaume Canet, Juliette Binoche, Vincent Macaigne, Nora Hamzawi
Alain, la quarantaine, dirige une célèbre maison d’édition, où son ami Léonard, écrivain bohème publie ses romans. La femme d’Alain, Séléna, est la star d’une série télé populaire et Valérie, compagne de Leonard, assiste vaillamment un homme politique. Bien qu’ils soient amis de longue date, Alain s’apprête à refuser le nouveau manuscrit de Léonard… Les relations entre les deux couples, plus entrelacées qu’il n’y paraît, vont se compliquer.
Après un Personal Shopper ésotérique et pour tout dire assez abcons, Olivier Assayas a retrouvé l’inspiration. Une fois n’est pas coutume (en tout cas au cinéma), c’est dans le petit milieu de l’édition parisienne que se situe ici l’action. Le réalisateur a eu la bonne idée d’entremêler un savoureux vaudeville à la Sacha Guitry avec un état des lieux ironique et interrogatif sur les mutations de la culture, entre intrusion per- manente d’internet et abandon de la lecture. Pour la partie vaudeville, Olivier Assayas a eu la bonne idée de mettre dans la même « pièce », l’inénarrable Vincent Macaigne, champion du monde lunaire d’un narcissime hilarant, Juliette Binoche tout à fait à l’aise dans le rôle d’une « profileuse » de série à suspense et Guillaume Canet, impeccable en éditeur suffisant, aveugle et déboussolé par les bouleversements de son métier. Mais c’est l’humoriste Nora Hamzawi qui rafle la mise, brute de décoffrage, franche du collier, elle dynamite les paroles convenues et le conformisme. Le cinéaste profite de ce dispositif alerte pour mettre les pieds dans le plat sur le présent et l’avenir de l’édition. Faut-il s’ac- crocher à ses habitudes et à ses convictions à propos de la littérature ou bien monter dans le train à grande vitesse d’internet quitte à perdre un chouïa de son âme, sachant que nombre de best-sellers sont écrits avec les pieds ? Et comment slalomer entre les stratégies des grands groupes, les caprices du big boss et les manipulations des prédateurs. Sous ses airs de comédie dans l’air du temps (parisien), Olivier Assayas gratte quand même là où ça fat mal : quand les éditeurs et les auteurs sont coupés du monde qui les entoure sans avoir de prise sur lui, alors quel est leur avenir ? ⎥ François Aymé